THE SWEET EAST DE SEAN PRICE WILLIAMS

The Sweet East est un road movie qui suit Lilliann, étudiante à l’université échappée d’un voyage scolaire. Dans une errance initiatique à travers l’Est américain, on la découvre tantôt activiste, tantôt actrice ou juste adolescente perdue qui tente de répondre à la question qu’on lui posera plusieurs fois, que fuis-tu ?

Le film s’ouvre sur une capote que Troy (joué par Jack Irv) agite sous le nez de Lilliann, juste avant de lui demander si elle veut la garder, parce que quand il deviendra connu… Qui sait ? Dans The Sweet East, Lilliann explore une Amérique qui se rêve ailleurs, une Amérique abîmée, rurale, parfois néo-nazi.

C’est lors de la visite de Washington que les choses s’accélèrent pour elle, lorsque qu’à la manière d’Alice, Lilliann découvrira le pays des merveilles. 

Avec The Sweet East, Sean Price Williams réussit à mettre en scène une fiction avec une photographie qui emprunte au documentaire. Chaque nouveau plan surprend un peu plus que le dernier, et chaque plan signe une identité qui s’affirme de plus en plus à chaque séquence. Des regards caméras aux collages d’images (vidéo-surveillances, clips de musiques), Sean Price Williams ose une image brute, un American Honey sans l’alcool et plus contemplatif. Directeur de la photographie sur de nombreux films, le réalisateur réussi à fabriquer une image carnée, au plus proche des personnages. On pense forcément à Gummo de Harmony Korine, autant pour ce portrait des États-Unis, cette traversée de la middle-class, des communautés, que pour son image en 16 mm, caméra épaule tremblante, caméra humaine et subjective. C’est dans cette présence derrière la caméra, dans la manière qu’elle a de capturer cet Est américain, que l’on ressent un rapport personnel du réalisateur aux endroits filmés. Comme une remise en scène d’une adolescence idéalisée dans laquelle il aurait été judicieux de ne jamais dire non, de saisir toute opportunité sans ne jamais se soucier de ses conséquences et donc de faire avec, avec le confort offert un temps par un néo-nazi à Lillian, faire avec l’argent qu’elle fini par lui voler, avec la célébrité qui toque à sa porte ou plutôt se présente à elle, au coin d’une rue, sous la forme de Molly (Ayo Edebiri) et Matthew (Jeremy O.Harris). 

Avec un séquençage sous la forme de panneaux (intertitre) qui annoncent à chaque fois un nouveau lieu (associé à une réplique), on pense d’abord à Martine à la plage, mais aussi et surtout au dernier film de Yórgos Lánthimos, Poor things. Dans une même trajectoire initiatique, Lilliann se cherche et explore en reproduisant, en rejouant des personnes/personnages rencontré.e.s dans le tableau précédent. Comme un long cadavre exquis, Lillian compose son présent en collage du passé, forçant la construction d’une fiction sous nos yeux dans laquelle on comprendra, à la fin, qu’il n’y avait pas que du faux.

Pendant une séquence entière, c’est l’écran dans l’écran, qui regarde qui, quoi, et surtout comment. Le film dans le film révèle Talia Ryder qui, à chaque séquence, se métamorphose selon son nouvel environnement. Caméléon naturel jouant tantôt avec et tantôt pour la caméra, pour qui toute distribution de rôle semble intuitive. De la « fille adoptive » d’un extrémiste néo-nazi (Simon Rex) à l’actrice star New-Yorkaise, le film, tout comme ses personnages, tente de répondre un peu plus à chaque seconde à la question posée, que fuit-on et qui sommes-nous ? Il semblerait que pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, Sean Price Williams ai esquissé un début de réponse. 

Découvrez la musique produite pour le film. 

Et la playlist de la BO